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Private equity : pourquoi et comment l’Europe prépare son retour

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Après deux années de contraction marquée des levées de fonds et une normalisation brutale des valorisations, le private equity européen amorce un tournant. L’étude conjointe d’Arthur D. Little et d’Invest Europe montre un regain d’optimisme parmi les gestionnaires de fonds (GPs) et les investisseurs institutionnels (LPs), dans un marché assaini, moins spéculatif et plus sélectif. Défense, IA, prix d’entrée plus raisonnables : l’Europe retrouve des arguments que les États-Unis ont progressivement perdus.
 

Selon l’analyse publiée par Arthur D. Little et Invest Europe, 45 % des GPs anticipent une reprise des levées dès 2026, un chiffre significatif dans un environnement où les capitaux sont redevenus exigeants. Ce regain de confiance ne s’explique ni par un retour à l’argent facile ni par une détente massive des conditions monétaires, mais par un ajustement profond du marché. Après l’excès de liquidité post-Covid et la frénésie 2020-2022, le private equity retrouve des mécanismes plus rationnels : valorisations moins tendues, processus de due diligence renforcés, hiérarchisation plus stricte du dealflow.
 

Le rapport insiste sur la dissociation croissante entre la perception des GPs, toujours engagés dans la recherche d’opportunités industrielles, et celle des LPs, plus sensibles aux contraintes prudentielles et au coût du capital immobilisé. Pourtant, les deux catégories convergent sur un point : l’Europe regagne du terrain sur les États-Unis. Non pas parce qu’elle serait redevenue un eldorado, mais parce qu’elle offre aujourd’hui un couple rendement/risque plus lisible. Les tensions politiques américaines, l’instabilité fiscale et le risque d’une volatilité accrue sur la tech poussent une partie des investisseurs à reconsidérer leurs allocations.
 

Défense et IA, les deux aimants du capital européen
Le rapport d’ADL identifie deux secteurs mécaniquement attractifs :
la défense — désormais considérée comme un secteur de souveraineté incontournable pour les LPs européens — et l’intelligence artificielle, qui bénéficie d’un cadre réglementaire plus stable qu’aux États-Unis. Les GPs interrogés mentionnent une demande croissante pour des stratégies spécialisées, combinant innovation, industrialisation et sécurité des chaînes de valeur. L’Europe est loin de rivaliser avec la profondeur de marché américaine, mais elle compense par une meilleure lisibilité réglementaire dans ces segments sensibles.
 

Ce repositionnement sectoriel se fait dans un contexte où les fonds disposent de dry powder (capitaux non déployés) mais l’utilisent avec parcimonie. Les méga-deals se font rares ; les opérations mid-cap, mieux valorisées et plus granuleuses, redeviennent la norme. ADL souligne que cette “discipline retrouvée” est un signal positif : elle réduit les risques de décrochage et rétablit une logique d’investissement fondée sur les fondamentaux.
En parallèle, les LPs — assureurs, caisses de retraite, fonds souverains — rééquilibrent leurs portefeuilles. Contraints par des règles prudentielles plus strictes, ils privilégient des stratégies de private equity moins cycliques : infrastructures, climat, défense, technologies industrielles. Ce mouvement, loin d’être anecdotique, pourrait redessiner les allocations européennes pour les cinq prochaines années.
 

Une reprise lente, mais plus durable
L’étude montre enfin que le private equity européen est entré dans une phase moins spectaculaire mais potentiellement plus robuste. Les perspectives de levées ne préfigurent pas un retour de l’euphorie : seuls 14 % des GPs et 6 % des LPs anticipent une baisse des levées, signe que la pression baissière s’essouffle, mais pas que la machine est relancée. L’Europe reste confrontée à des défis : fragmentation des marchés, coûts de transition énergétique, incertitudes politiques. Mais elle bénéficie d’un avantage comparatif majeur : une perception de stabilité relative dans un monde d’incertitudes.
 

Pour les investisseurs français, la lecture est claire : le private equity post-2024 n’est ni un cycle de croissance artificielle ni un âge d’or retrouvé, mais un marché où la sélection, la spécialisation et le prix redeviennent les variables essentielles. L’étude ADL / Invest Europe fournit un message sans ambiguïté : l’Europe n’a pas besoin d’être spectaculaire pour redevenir attractive. Elle doit simplement rester cohérente.
Sources : Arthur D. Little, Invest Europe