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PLF 2026 : clarification pour les loueurs meublés expatriés

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Deux amendements adoptés au Sénat dans le cadre du PLF 2026 proposent d’harmoniser les règles du Code général des impôts et de mettre fin à une asymétrie jugée discriminatoire par la Commission européenne.

Le cœur du problème réside dans l’article 155 du Code général des impôts, qui détermine si un loueur relève du statut LMNP (non professionnel) ou LMP (professionnel). Deux critères s’appliquent : générer moins de 23 000 euros de recettes meublées annuelles ou, si les recettes dépassent ce seuil, disposer de revenus d’activité supérieurs à ces recettes. Dans le cas inverse, le loueur est considéré comme professionnel.
 

La doctrine fiscale, confirmée à plusieurs reprises par l’administration, notamment dans une réponse ministérielle de janvier 2024, interprète ces « revenus d’activité » de manière restrictive : seuls les revenus imposables en France sont pris en compte. Or, les recettes de location meublée, elles, incluent l’ensemble des biens, qu’ils soient situés en France ou à l’étranger. La conséquence est mécanique : un expatrié percevant des revenus professionnels dans son pays de résidence mais aucun revenu imposable en France se retrouve, par construction, en LMP dès lors que ses recettes meublées dépassent 23 000 euros. À situation économique identique, un résident français serait LMNP.
 

Ce déséquilibre a suscité de nombreuses interrogations parlementaires. Le 1er juin 2023, la sénatrice Évelyne Renaud-Garabedian sollicitait ainsi une clarification de l’administration. La réponse du gouvernement, le 4 janvier 2024, confirmait pourtant la doctrine existante, refermant provisoirement le débat. Parallèlement, la Commission européenne signalait aux autorités françaises que ces règles pouvaient constituer une discrimination à l’encontre des non-résidents et contrevenir à la liberté de circulation des capitaux garantie par le droit européen.
 

C’est dans ce contexte que deux amendements du PLF 2026 (I-2652 rect. bis et I-2553 rect.) proposent de modifier directement l’article 155 du CGI pour y inscrire explicitement que les revenus d’activité pris en compte incluent l’ensemble des revenus de même nature, qu’ils soient imposés en France ou soumis à un impôt équivalent à l’étranger. L’objectif affiché : mettre fin à « l’asymétrie de traitement » et sécuriser la situation de milliers de contribuables expatriés.
 

Un changement potentiellement massif 
Si ces amendements étaient confirmés dans le texte final, les conséquences seraient profondes pour les loueurs en meublé expatriés. « La première conséquence serait la sécurisation du statut fiscal, et la fin d’une hésitation permanente entre suivre la position restrictive de l’administration ou assumer une interprétation plus large », explique Baptiste Bochart, juriste pour Jedéclaremonmeublé.com (JD2M). Le critère décisif — la comparaison entre revenus d’activité et recettes meublées — retrouverait sa logique économique, indépendamment du pays de résidence du contribuable.
 

Le basculement possible du statut LMP vers LMNP modifierait en profondeur la fiscalité applicable, notamment en matière de plus-values. En LMP, les plus-values relèvent du régime professionnel, généralement plus lourd, et sont imposées non seulement en cas de vente mais également à la cessation de l’activité, quelle qu’en soit la cause. Ce mécanisme peut créer des situations complexes, voire pénalisantes, pour les expatriés qui souhaitent arrêter temporairement leur activité ou réorganiser leur patrimoine.
 

À l’inverse, le statut LMNP applique le régime des plus-values des particuliers, avec abattements pour durée de détention et imposition uniquement en cas de cession du bien. Bochart rappelle aussi deux exonérations méconnues mais déterminantes : la possibilité de vendre un bien anciennement loué après l’avoir occupé comme résidence principale, et celle de céder un bien pour financer l’achat d’une résidence principale lors d’un retour en France. Des leviers particulièrement utiles pour les expatriés envisageant une relocalisation.
 

Le changement de statut influerait également sur les cotisations sociales, le traitement des déficits et potentiellement l’IFI. Un loueur LMP peut être redevable de cotisations sociales, alors que le LMNP relève du régime micro-social ou du régime réel sans cotisations obligatoires équivalentes. En matière d’IFI, les biens affectés à une activité professionnelle exercée à titre principal peuvent être exonérés : la requalification en LMNP pourrait donc, paradoxalement, réintroduire certains biens dans l’assiette taxable. Tout dépendrait des situations individuelles.
 

Pour les expatriés, l’enjeu n’est pas seulement fiscal. La clarification permettrait de réduire les risques de requalification lors d’un contrôle, d’apporter une meilleure sécurité juridique aux investissements locatifs réalisés depuis l’étranger et de faciliter les arbitrages patrimoniaux. Dans un marché immobilier où les investisseurs internationaux jouent un rôle accru, la stabilité du cadre fiscal devient un facteur décisif.